Quand la pratique de 2Kπ prend de plus en plus de l’ampleur

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Cet article a été publié dans le cadre du projet Tchadoblog : raconter le Tchad autrement. Ce petit projet était une collaboration entre les jeunes blogueurs de l’Association des Blogueurs au Tchad et Voice4Thought. En savoir plus, cliquez ici

Dans les milieux estudiantins au Tchad, une pratique se développe et s’installe de plus en plus dans le cœur des étudiants : c’est la pratique de 2Kπ. Allons à la découverte de ce mode.

Il est minuit à l’Ecole Nationale Supérieure des Technologies, de l’Information et de la Communication (ENASTIC) de N’Djamena. La cour est déserte, l’atmosphère amorphe et il n’y a que quelques oiseaux qui représentent la population présente sur le lieu. Mais visiblement, les portes des salles semblent être ouvertes. Ce qui nous conduit à une infinité d’interrogation et interpelle notre curiosité. Un petit tour dans la première salle nous a permis de nous rendre à l’évidence de cette imposture. Surprise ! L’on observe trois jeunes, chacun entrain de pianoter sur son ordinateur. Dans une pièce voisine, on aperçoit Fissouabe Pascal, étudiant en 3e année de ENASTIC, concentré devant son computer qui nous dit : « Toute cette semaine est consacrée aux examens, je ne peux pas rentrer. Je dois rester ici à l’école pour veiller afin de m’en sortir. »

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C’est quoi la pratique de 2Kπ ?

Au Tchad, le 2Kπ est un concept viral et plus prisé par les étudiants évoluant, le plus souvent issus des filières scientifiques. Mais d’où est-ce que ce terme tire sa source ?

En effet, en trigonométrie, 2Kπ correspond à 360°. Cela décrit le contour d’un cercle. En faisant un parallélisme à cette notion mathématique, une journée correspond à un cycle de 24h soit un tour complet. Il correspond également à la rotation d’un cercle d’où la notion de 2Kπ. π est un nombre irrationnel ; c’est le rapport constant de la circonférence d’un cercle à son diamètre. A l’instar du cercle trigonométrique, faire du 2 K π, c’est passer toute la journée à l’école, c’est-à-dire, le jour et la nuit. C’est faire le tour complet du cycle de la journée. Il traduit le fait de s’empêcher du sommeil, rester éveiller et travailler toute une journée. Le chiffre 2 et π sont donc des constantes qui pourraient représenter le sommeil. Ils expriment la circonférence d’un cercle, ce qui balaie le contour circulaire. K est un nombre réel qui est une fonction du nombre de tour. Il représente une variable qui exprime le travail, la motivation. 2Kπ représente un moment de travail intensif.

Un camarade d’Etude. © Tchadoblog

Que représente 2Kπ pour les pratiquants ?

« A mon avis, 2Kπ représente un protocole entre l’école et moi. C’est un intercesseur. De là, tout se réalise en moi, » déclare Bayta Bourkou Elie.

En effet, la pratique de 2Kπ permet aux étudiants de bien assimiler les cours dans un temps record, de faire des recherches et d’être plus résilient dans l’auto-apprentissage. Le plus souvent, c’est à cette occasion que les étudiants se partagent des idées et travaillent sur des projets collaboratifs. « Je me souviens lorsque je devrais concevoir un site web. J’ai passé deux semaines à la maison sans le réalisé. Mais le jour où j’ai fait 2Kπ, un ami m’a donné une ligne de code et du coup, j’ai pu obtenir la solution, » dit Mba Le Iran Ezéchiel, étudiant en cyber sécurité.

Les mobiles qui poussent à la pratique de 2Kπ sont diverses

D’abord, l’absence de l’électricité à la maison et la position éloignée des demeures poussent les étudiants à s’adonner à ce phénomène. Ensuite, 2Kπ permet de stimuler et développer le travail collaboratif entre étudiants. Pour certains, la pratique des 2Kπ permet de sortir de la maison, s’isoler dans une salle de classe et trouver une inspiration pour travailler à fond. Pour d’autres, 2Kπ est une occasion de profiter des wifi libres pour apprendre et découvrir de nouvelles connaissances au travers de la connexion internet gratuite et disponible (cas de l’ENASTIC).

Kohôm Gilles Christ, licencié en Génie Rural à l’Ecole Nationale Supérieure des Travaux Publics de N’Djamena, se souvient encore de cette pratique : « C’était en 2021 lorsqu’il y avait la programmation d’un examen d’assainissement urbain. Ce jour, toute la salle est revenue à la fin des cours pour faire 2Kπ en raison du volume élevé du cours de la matière. Même l’unique fille de notre promotion n’était pas du reste. Et à la publication des résultats, personne n’était venu au rattrapage. »

Quelle est l’utilité des 2Kπ ?

2Kπ permet de renforcer les connaissances et d’accroitre les compétences des pratiquants. Autour de moi, je vois qu’il permet aux étudiants de développer une aptitude d’auto-formation et d’être autodidactes. Cette pratique contribue à augmenter mes performances afin d’obtenir de résultats satisfaisants lors des examens, contrôles et Travaux Pratiques.

La pratique de 2Kπ rapproche véritablement les étudiants, quel que soit leur statut socio-économique ; elle brise les barrières et stéréotypes entravant la cohésion sociale et l’unité.

Il est bien vrai que la pratique de 2Kπ regorge assez d’importances pour les étudiants. Cependant elle n’en demeure pas sans conséquences sur ceux-ci.

Les inconvénients du 2Kπ

Faire du 2Kπ, c’est se priver de sommeil. Or, l’insomnie se révèle dangereux pour l’organisme. En effet, le sommeil est vital pour maintenir les capacités de fonctionnement du corps humain. Une fois la fatigue s’installée, les « 2Kpiteurs » (nom donné aux pratiquant de 2Kπ) s’allongent sur les chaises ou tables-bancs pour pouvoir récupérer, un tant soit peu avant de continuer. Ces jeunes, dans la plupart des cas, ont du mal à bien suivre les cours qui seront dispensés le lendemain. Ils développent le plus souvent de stress, une irritabilité, une sensibilité exacerbée. Le manque de sommeil se répercute sur leur humeur et capacité à gérer les tracas quotidiens.

En tant qu’étudiant, il est bien d’avoir un rythme de travail rigoureux et consistant pour être à la hauteur de ses cours et en avoir une certaine maitrise. Cependant, la pratique effrénée de 2Kπ pourrait entrainer des conséquences fâcheuses sur l’organisme. C’est pourquoi, prévenir vaut mieux que guérir !

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