Bijouterie à ciel ouvert : l’électorat tchadien entre opportunisme et prise de conscience

N’Djamena la capitale tchadienne subit, en ce mi-avril l’une des chaleurs les plus accablante de son histoire. Aux températures caniculaires de la journée se situant entre 40 et 47°C succèdent des nuits très chaudes et sans électricité sous lesquelles la population se trouve pris en étau. Pourtant, ce phénomène naturel déjà récurrent parait anodin. Le véritable challenge du moment susceptible d’opposer ou d’unir la population est la course à la présidentielle qui se déroule au Tchad en ce moment. Elle met au prise dix prétendants parmi lesquels : neuf de sexe masculin et une de sexe féminin. Dans cette compétition politique, des grandes tendances à la haine et à la méfiance sont développées et entretenues entre leaders politiques, militants, sympathisants et courtisans. La tolérance envers les opinions divergentes est le gage d’un climat démocratique et donc de la cohésion sociale.

Dimanche 14 avril 2024. Il est 8 heures 18 minutes. Ahmadaye Kode, mécanicien, reçoit un appel de la part de son chef mécanicien qui le met en conférence avec un autre interlocuteur. Au bout du fil, Sougui le grossiste et fournisseur du garage depuis le marché Champs Des Fils qui hurle : « Votre pièce de rechange est arrivée depuis hier. Si vous pouvez passer rapidement récupérer avant 10 heures puisque je dois fermer ma boutique pour me rendre au meeting du président de mon parti qui se tient aujourd’hui ».

Ahmaday, tout désemparer, n’a pas de choix malgré que dimanche est son jour de repos et vue que son chef met la pression. En un clin d’œil, Ahmaday se jette sur la moto de son cousin et se met en direction de la ville. Aucune seconde à perdre car le véhicule à réparer est celui de M. Jean Bosko qui ne se relâche pas depuis 2 jours du fait qu’il doit quitter lundi très tôt pour un voyage au sud du pays dans le cadre des campagnes électorales. Ahmaday traverse le quartier Walia avant d’arriver au pont à double voix (l’un des deux ponts qui desservent la capital) à l’entrée sud où il doit traverser trois quartiers avant d’arriver au marché Champ de Fil où l’attend impatiemment Sougui.

Sur le trajet, il croise de cortèges motorisés et véhiculés transportant des militants et sympathisant arborant des affiches, des banderoles t-shirts casquette et foulards aux différentes couleurs floquées aux slogans et photos des candidats de quelques partis politiques. Arrivée au niveau du pont, il tombe dans un embouteillage fantôme. Le pont est bloqué ? C’est quoi çà encore à cette heure-ci ? s’interroge-t-il. Le pont est pris d’assaut par le mouvement des vas et viens des militants des différents parti politique en déplacement à destination des endroits stratégiques ciblés. Le vacarme était à son comble, entre les véhicules qui hoquettent et les motos qui déchire l’atmosphère. Ahmaday a le cœur qui accélère. En plein milieu du pont l’’atmosphère était presque tendue pendant l’embouteillage « un coup chao…MIDI (MIDI signifie Mahamat Idriss Deby Itno l’actuel president du gouvernement transistoir) président…MS7 d’office président (MS7 c’est Masra Succès, l’actuel premier ministre et opposant de MIDI)… » était scandé de part et d’autre. Tout ceci couronné de brouhaha et d’agitation tous confus. Un militant dans un bus lance des pics à l’endroit des autres et lâche d’un ton sec : « Houmar dol da », entendez littéralement par là en arabe tchadien… « Bande d’ânes ». C’étaient des maux d’injure de ces genres qui sont envoyés de part et d’autre entre les militant des partis. Après un quart d’heure d’attente, Ahmaday a finalement pu se frayer un chemin avec beaucoup de gymnastique pour traverser et se retrouver de l’autre côté du pont. Arriver au niveau du rond-point, ce dernier tombe nez à nez à moi qui attendait une occasion pour me rendre en ville. Après quelques formules de politesses et de salutation comme à l’accoutumée, il accepte de me déposer à Moursal pour mes courses. Et c’est ainsi qu’il s’est mis à me raconter le début de cette matinée embarrassante pour lui à la suite de la question de savoir comment se passe ce debout de journée.

Aujourd’hui, à quelques jours de la date butoir du 06 mai qui constatera la fin de la transition, la campagne électorale dans ce cadre a été lancé officiellement le 14 Avril.

A bien observer depuis ce mois avril 2024. Il est à remarquer certainement que les N’Djamenois ne reconnaissent plus leur N’Djamena. Des banderoles à l’image des différents candidats à la magistrature suprême du 06 mai prennent d’assaut les artères, les coins et recoins stratégiques de la ville. Tout vibre au rythme des campagnes électorales. La manie des bureaux de soutiens qui poussent comme des champignons çà et là défigure du coup le visage de la ville. La résignation du peuple tchadien se remarque au quotidien. Cherchant désespérément une solution à leurs problèmes, les jeunes de N’Djamena en particulier, placent leurs espoirs dans les bureaux de soutien. Ils appellent (coordination, sous coordination…) qui se rivalisent des sonorités musicales jusqu’au petit matin où la bière coule à flots et les cigarettes brûlent.

Dans nos échanges avec Aristide, infographiste, que nous avons rencontrez à quartier Paris-Congo et livrant son impression, il affirme que : « les tchadien dans leur majorité manquent d’eau potable, d’électricité, de route, manque de boulot pour consacrer une jeunesse avec un avenir certain. Il est question pour les politiques ainsi que la jeunesse de profiter de cette période de campagne électorale pour sensibiliser les tchadiens et les amener à une prise de conscience collective et individuelle sur les vertus du vivre ensembles ».

Aristide trouve que en cette période charnière particulièrement sensible, il est important que nos compatriotes se mobilisent pour faire échec à toutes les provocations et manœuvres visant à dresser de divisions artificielles au lieu de consolider des liens de solidarités entres les habitants de notre pays.

A bien comprendre ce dernier, Aristide ajoute que le vote est un acte civique et il est légitime que les tchadiens sorte massivement pour exercer leur droit de vote à la date prévue. Toutefois, face aux tensions et enjeux de la campagne, il est impératif pour les leader politiques de conduire le débat de manière pacifique, constructif et respectueux, selon lui. De surcroit éviter les attaques personnelles. Il serait nécessaire de voter selon sa conviction politique et non selon l’appartenance ethnique, régionale ou religieuse.

Ganda (pseudonyme), un professeur en philosophie : « En politique, la confiance se mérite. Et les hommes politique ont tout intérêt à la gagner. Très souvent, nous savons quand les gens nous mentent où nous disent la vérité, lorsqu’ils font des promesses qu’ils ne pourront pas tenir, nous sentons s’il s’agit des hâbleurs, des manipulateurs. Parce qu’il y a toujours des indices qui ne trompent pas, mais nous le savons aussi par expérience ou par intuition, ou tout simplement parce que nous connaissons leur histoire, ou pour les avoirs pratiquer, ou parce que nous les avons vues dans des conditions où leurs comportements ont occasionné des situations conflictuelles. Cependant, voilà que nous sommes prêts à leur faire confiance de nouveau, nous voulons croire en eux ».

Sur la toile, le constat est là, des nombreux internautes se donnent des fils à retordes à travers des contenus haineux que de se concentrer ou d’analyser les projets de sociétés des acteurs politiques en compétition, selon monsieur Ganda, qu’on a rencontré à Koundoul. Il dit que sur les plateformes tels que Facebook, WhatsApp, Instagram la plupart des sorties et publications sont ancrées dans des considérations à caractères ethnique, régionale, religieux etc. ce qui ne contribuerait qu’à faire la part belle des politiques.

« Le Tchad est un pays à terre. Et ceci n’est que la faute des dirigeants de ce pays. L’impératif en ce moment est de conscientiser, amener les jeunes à prendre conscience. Ils ne doivent pas être du bétail électoral. La jeunesse tchadienne est exploitée à des fin politique, il est temps que cette jeunesse prenne son destin en main. Le Tchad est un pays qui ne marche qu’à l’envers les chose ne marchent pas, il faut le dire. Il faut que les choses avancent, et cela passe par un choix objectif du son candidat ». Déclare Kidmon Drassadou, un stagaire au cabinet d’advocats.

Ik conclut que le choix qui fait passer le développement socioéconomique du Tchad en primauté de toute appartenance ethnique régionale ou religieuse constitue le garant d’une réelle concorde et du vivre ensemble dans ce pays qui fut longtemps fragilisé par des conflits de toute sorte.

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