La mort de Déby, entre justice et grâce présentielle, toujours pas d’enquête

Leader FACT Mahamat Mahdi Ali. © Taha Jawashi/Libération

Connu pour ses troubles d’ordre sécuritaire et sa légendaire instabilité socio-politique, en mars 2021, le Tchad a connu l’un des assauts d’un groupe rebelle le plus sanglant, celui du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), dans la foulée, le Président Marechal Idriss Deby trouva la mort.

Le mardi 21 mars 2023, après plus de 6 mois de procès à huis clos à la prison de Klessoum de N’Djamena, la justice a condamné le leader du FACT, Mahamat Mahadi Ali à la prison à vie par contumace pour terrorisme et assassinat du président Idriss Deby. Plus de 400 autres rebelles arrêtés lors de l’attaque dans le Kanem (au nord du Tchad) pouvant aboutir à la mort de Idriss Deby sont condamnés ce 21 mars par la justice tchadienne. Seulement 24 personnes sont acquittées. Si du côté du gouvernement il n’y a pas de communication autour de ce verdict, sur les réseaux sociaux, les internautes qualifient d’une parodie de procès, surtout sur le fait qu’il est demandé au groupe rebelle de payer 20 milliards de F CFA de dommage et intérêts en faveur de l’État et 1 milliard FCFA en faveur des ayant droit du défunt président Idriss Deby, une somme considérée par l’opinion de la DIA (la Dia est une pratique qui consiste à verser une somme d’argent ou des biens en nature comme prix du sang en cas de mort d’homme dans un conflit). Mais comment peut-on payer la DIA dans une décision de justice dans un État dit laïc, s’interrogent les internautes.

Revenons en arrière. En octobre 2019, alors qu’il clôturait la 4e édition des gouverneurs des provinces du Tchad, le défunt Président Idriss Déby a déclaré la fin de la pratique de la Dia. Pour le défunt Président, « Cette pratique est antirépublicaine, car elle anesthésie l’action publique par un simple arrangement intercommunautaire. » La Dia peut aussi être vue comme un permis de tuer pour ceux qui ont des moyens financiers d’ôter la vie de leurs concitoyens et payer par la suite.

L’un des avocats des rebelles, Me Lokouldé Francis après le verdict n’est pas étonné que ce procès n’est autre qu’un procès politique : « Quand la politique entre par la grande porte, la justice sort par la petite fenêtre. »

Où en sommes-nous avec l’enquête de la mort de Idriss Deby ?

Après la mort du Marechal du Tchad, Idriss Deby, l’Union Africaine a exigé une enquête indépendante pour déterminer les responsabilités et les circonstances de la mort d’Idriss Deby, mais jusqu’à ce jour l’on ne sait toujours pas où est-ce que cette enquête en est. Les autorités de transition quant à eux n’en parlent pas, ni la famille du défunt Président Déby.

Dans un entretien accordé à la radio La Voix de l’Amérique au lendemain du verdict de sa condamnation à vie par contumace par la justice tchadienne, le chef rebelle du FACT n’accorde pas d’importance au sujet. Pour lui, ce procès « est un non évènement », affirme-t-il. Plus loin, dans le même entretien, Mahamat Mahadi Ali réfute les allégations selon lesquelles le FACT aurait tué Idriss Déby. « Nous avons appris aux infos comme tout le monde la mort de Déby. C’est à ceux qui étaient à ses côtés le jour-là au front de dire qui l’a tué, » dit-il.

25 mars, 4 jours après la décision du tribunal condamnant plus de 400 rebelles du FACT à des peines de prison, le président Mahamat Idriss Déby gracie 380 rebelles. Les personnes condamnées par contumace ne sont pas incluses. Le chef du FACT, Mahamat Mahdi Ali, en fait partie. Cela ne changera pas l’attitude du chef rebelle. Me Francis Lokouldé, avocat du FACT, est soulagé qu’un grand groupe soit gracié mais ne comprend pas pourquoi cela ne s’applique pas à tout le monde. Pour le micro de RFI il dit : « On le comprend difficilement parce que là, si la grâce présidentielle devait être prise à l’endroit de tous les accusés, cela aurait pu être mieux. Or là, il y a un travail de tri qui a été fait. »

L’avocat ajoute : « On aimerait que tous ceux qui sont condamnés dans le cadre de ce procès soient graciés. Donc, si tant est que ce soit une politique de main tendue du gouvernement, nous souhaitons que cela soit général. »

La question qui ne trouve toujours pas de réponse : Si le FACT ne se reconnait pas dans la mort d’Idriss Déby, qui l’aurait tué ?

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